• De Nuit

        La plume gratte le papier. La lampe de chevet, dont la pâle lumière crue et vacillante se reflète sur le blanc des pages, jure horriblement avec l'aspect champêtre de la chambre. Bien que les précédents cahiers soient noircis d'inepties formidables, ils sont conservés, tels des reliques, consacrés, sanctifiés, s'empilant les uns sur les autres, comme autant de réfugiés sur un bâteau-cargot.

        L'insondable et profond capharnaüm regnant dans la pièce n'est rien d'autre que l'accusateur reflet d'une personnalité noyée sans doute par trop d'anti-conformisme, ajoutée à cela une bonne dose de je-m'en-foutisme mêlée d'une quintuple part de fénéantise. Vision si peu rangée, si peu organisée, en un mot : "bordelique" mais si plaisament et naïvement qualifiée de "fouillis artistique".

        Artistique... Là un Ranger armé d'une épée et d'un arc trône sur une biographie d'auteur. Ici, les vieux éclats d'un cadre brisé. Ici encore, toute la gloire et la majesté d'un dessin au crayon d'antan. Tels des macchabées, un nombre incroyable d'objets jonchent la moquette jadis rose et à présent usée, délavée. Des objetssouvent insolites, plus souvent détruits ou abimés, écrasés par l'imposante masse de soixante-dix-sept kilos venue s'abattre sur les malheureux, paralysés par leurs confrères étalés au-dessus d'eux.

        Nénamoins, ils semblent prendre leur revanche à trois heures du matin, car à la lumière blafardes, ils ont l'air presque fantômatique, et d'un aspect terrifiant comme autant d'illusions, d'idées d'objets, de simples échos ou suggestion. Vision irréelle s'il en est, immobile mais non rassurante, effrayante même...

        Un silence de mort, toujours le même, incessant, presque audible, troublé seulement par les grattements de la plume et les grincements constants du petit tabouret de bois. Evidemment un bouronnement continu et agaçant survient comme d'ordinaire à cette heure matinale (ou nocturne, c'est selon...) lorsque la maison est endormie et silencieuse. Ah! Trois heures et quart! Non, non. Pas le classique et démodé "tic tac!" d'une horloge ou d'un radio-réveil; mais toute la modernité lumineuse, imitation Champs-Elysées d'un écran de Nokia.

        'Faudrait d'ailleurs que Monsieur Nokia cesse de fabriquer des téléphones à inintelligence artificielle, capables d'appeller d'eux-même, sans qu'on ait voix au chapitre, n'importe lequel de nos contacts téléphoniques, dérangeant ce dernier au beau milieu d'un match de football (à la télévision bien sûr) ou aux deux-tiers et demie d'une quatre fromage façon contrefaçon... Monsieur Quatre Fromages aussi doit être sacrément riche. Hélas, et lasse est l'âme, lorsque l'ennui se fait sentir et provoque le besoin d'être drôle, cette habituelle et rassurante (encore que vaine) tentative d'humour qui, bien souvent, échoue lamentablement...

     

    La suite plus tard, BEAUCOUP plus tard...


  • Commentaires

    1
    Christian
    Vendredi 23 Novembre 2007 à 11:15
    Humour, amour, mouron
    Le flateur vit au dépend de celui qui l'écoute, disait Jean ! Aujourd'hui, personne n'écoute, et ceux qui entendent ont-ils l'oreille aiguisée ? éduquéee ? Fouillis d'objets, fouillis de pensées... fou de penser, fou d'aimer, fou de croire, fou d'espoir. Fouillis dérisoir...
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